Samuel Dixneuf

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Don’t know what to want from this world

In soniques on 21 janvier 2011 at 20:25

I wanted to change the world
But I could not even change my underwear
And when the shit got really really out of hand
I had it all the way up to my hairline
Which keeps receding like my self-confidence
As if I ever had any of that stuff anyway
I hope I didn’t destroy your celebration
Or your Bar Mitzvah, birthday party or your Christmas
You put me in this cage and threw away the key
It was this ‘us and them’ shit that did me in
You tell me that my life is based upon a lie
I casually mention that I pissed in your coffee
I hope you know that all I want from you is sex
To be with someone that looks smashing in athletic wear
And if your haircut isn’t right you’ll be dismissed
Get your walking papers and you can leave now

Don’t know what to want from this world
I really don’t know what to want from this world
I don’t know what it is you wouldn’t want from me
You have no right to want anything from me at all
Why don’t you take it out on somebody else?
Why don’t you tell somebody else that they’re selfish?
Weepy coward and pathetic …

Who’s gonna be the one to save me from myself?
You’d better bring a stun gun and perhaps a crowbar
You’d better pack a lunch and get up really early
And you should probably get down on your knees and pray
It’s really fun to look embarrassed all the time
Like you could never cut the mustard with the big boys
I really don’t know who the fuck you think you are
Can I please see your license and your registration?

Don’t know what to want from this world
I really don’t know what to want from this world
I don’t know what it is you wouldn’t want from me
You have no right to want anything from me at all
Why don’t you take it out on somebody else?
Why don’t you tell somebody else that they’re selfish?
Weepy coward and pathetic …

So Jesus hasn’t come in here to pick you up
You’ll still be sitting here ten years from now
You’re just a sucker but we’ll see who gets the last laugh
Who knows, maybe you’ll be the next queen of Denmark

John Grant, Queen of Denmark

Au supermarché

In Fictions on 16 janvier 2011 at 03:52

Contrairement au romancier qu’il aimait, N. n’avait pas renoncé à quelque timide engagement. Mais il était aussi, à sa manière, désabusé. Seulement, de ce désabusement, il ne savait que faire. Si M. en faisait sa marque de fabrique sous l’œil morne et crépitant des objectifs (ce qui n’abaissait pas l’estime que N. lui portait, bien qu’il s’éloignât imperceptiblement de sa figure tutélaire), N. aurait tout au plus ennuyé ses amis avec une mine déconfite de merlan de grande surface. Alors, il s’engageait. Pour des causes. L’une lui valait même un prélèvement automatique de huit euros cinquante tous les 10 du mois. Il était en effet devenu membre, un soir de décembre, légèrement euphorique, alors qu’il se trouvait avec une amie, d’une association luttant contre la prolifération des algues vertes. Il avait ensuite appris que la charmante personne qui l’avait enrôlé –il ne trouvait pas d’autre mot- ne faisait même par partie de cette association. Il avait pensé à changer de compte en banque pour éviter les prélèvements, mais il était trop paresseux pour cela. Cette notion plutôt trouble d’engagement, quoiqu’il en soit, lui permettait de se sentir plus proche de ses amis. Ou, plutôt, il pensait ainsi avoir plus de valeur à leurs yeux.

N. par exemple, et contrairement au grand romancier qu’il aimait, n’aimait pas les grandes surfaces. Il s’y rendait pourtant régulièrement. Constituer un repas à partir de graines germées restait hors de portée et de porte-monnaie. Par conscience professionnelle, N. pénétrait toujours dans les grandes surfaces l’air quelque peu agressif. Comme pour se mettre au diapason. Il forçait même parfois le passage à rebours des caisses enregistreuses au lieu de passer par le tourniquet automatique. Il provoquait ainsi, à sa grande satisfaction, quelques murmures indignés des clients. Il errait ensuite de longues heures dans les rayons. Il avait une préférence pour celui des fruits et légumes. Là, il s’emportait devant la piètre qualité des sélections, pestait sur les provenances exotiques, tâtait certains produits avec concentration avant de les reposer, perplexe. Il passait aussi de longues minutes devant l’étal du poissonnier, le seul qui, à ses yeux, faisait ici son travail avec ferveur ; et un certain talent, notamment dans la présentation des denrées. Figés sur leur lit de glace, merlus et daurades le fixaient d’un œil complice, alors que quelques crabes faméliques remuaient faiblement leurs antennes, par contrat.

Parfois, il se surprenait à suivre les conversations des clients. Perdu dans la contemplation des variétés infinies de jambon fumé, il percevait des débats animés : un client se plaignait, devant un interlocuteur distrait par l’odeur il est vrai plutôt forte des merguez aujourd’hui proposées en dégustation en plein centre du magasin par un jovial et tonitruant animateur-cuistot, de la coupe imparfaite du thuya de son voisin, qu’il proposait, à demi-mot bien-sûr, d’éliminer.

N. se retrouva bientôt sans savoir comment dans l’univers infini des yaourts. Alors qu’il s’interrogeait sur le bien-fondé du retour des pots en verre, il entendit parler anglais derrière lui. C’était une jeune fille, rousse et belle comme l’automne. Il l’avait aperçue peu avant, vers les soupes. Elle semblait être avec son père. Perdu dans la lecture d’une étiquette mystérieuse, il se laissait glisser, à reculons, vers la voix. Bientôt, il se retrouva tout près d’elle. Il avait réussi à pivoter légèrement afin d’apercevoir son visage. Elle et son père –enfin, croyait-il- paraissaient hésiter longuement devant l’évidente confusion que pouvait apporter un choix aussi délicat que celui d’un yaourt en terre étrangère. Il attendait avec une impatience mal dissimulée que la jeune fille lui demande conseil. Ce qu’elle ne fit pas. Mais, leur choix fait, alors qu’ils s’éloignaient déjà, il sentit dans la démarche de la jeune fille une hésitation. Reste encore un peu.

Ces deux corps étrangers, qui auraient pu s’aimer, avaient esquissé, entre les yaourts brassés et les yaourts allégés, le discret pas de danse du désir.

Ruptures

In Chroniques on 15 janvier 2011 at 13:48

Suite et fin de notre balade à bicyclette. Le reste des chroniques, c’est ici. Bonne fin d’été.

« Of such moments, she thought, the thing is made that endures. » V. Woolf, To the Lighthouse.


Le cyclisme est un sport de rupture. Les moments du cyclisme sont inversement proportionnels au temps de course.

Le temps de course est élastique, il dure, il se dilate : une bosse cache une autre bosse, un virage dissimule le suivant, les lignes droites s’évaporent dans l’horizon.

Un temps qui passe comme la plus grande part de l’existence, bercée par l’hébétude ou l’ennui. La rupture est donc attendue. Désirée. Par le spectateur, bien sûr. Mais le cycliste la désire aussi, secrètement. Car l’instant -de grâce ou de disgrâce- se fait éternité.

Rupture de celui qui repousse la rupture, l’œil hagard fixé sur le pneu surchauffé qui le précède. Celui-là saute d’un coup comme l’alpiniste qui aurait laissé échapper la corde qui le relie à ses compagnons.

Rupture de celui qui heurte le bitume brûlant sans avoir compris pourquoi, se relève, s’ébroue, et repart, changé à jamais.

Rupture de celui qui prend la poudre d’escampette, porté par la grâce, mécanique parfaite.

Rupture de celui qui éclate en sanglots, une fois la ligne franchie.

Rupture de celui qui laisse éclater sa frustration en brisant sa machine et la mâchoire de son adversaire.

Incrédulité du champion qui ne maîtrise plus le récit et assiste, les mains sur les hanches, à sa rupture de grâce.

« Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. » Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne.

12 Juillet 2010

Eloge de la simulation

In Chroniques on 13 janvier 2011 at 11:30

On continue notre balade au cœur de l’été, avec la reprise de quelques chroniques du Tour de France, originellement publiées sur Mediapart.

Affaires, scandales, sport. Petite apologie de la simulation.


La simulation a souvent mauvaise réputation. En amour : blessure d’ego. Dans les relations humaines : certains la nomment ‘savoir-vivre’ ou bienséance, d’autres ‘hypocrisie’. En politique : on l’appelle entregent. En football, on adore la détester : on pensait les Italiens passés maîtres dans l’art de la comédie -les Italiens sur le terrain, les Français, dans les coulisses- mais leurs jérémiades ont fait des émules. ‘Mais qu’on envoie ces divas jouer au rugby’  pensent tout haut certains amateurs de beau jeu. ‘Mais que c’est nul…’ Et de réclamer du ‘vrai’, de ‘l’authentique’… Et quid du mentir vrai ?

Dans notre esquisse littéraire du Tour, nous évoquions l’unreliable narrator. La simulation participe de cette absence de fiabilité. Or, les commentateurs sportifs ne parlent-ils pas d’acteurs lorsqu’ils évoquent les footballeurs ? Ne sommes-nous pas dans une société de spectacle ? Le stade, un vaste théâtre ? Les caméras, des catalyseurs ? Notons qu’un bon simulateur ne sera pas démasqué… Jeu de dupes… La simulation fait donc partie du jeu, dans la vie comme dans le sport. On sait qu’elle existe. C’est sa mise à jour qui fait scandale. Son dévoilement. Le public n’aime pas être déniaisé. Le doute, en revanche, le soupçon, font frémir de désir et de plaisir. Et si c’était vrai (disait l’autre) ?

Et sur un vélo ? La (dis)simulation est hautement encouragée. Peut-on simuler dans un col hors catégorie par 30 degrés à l’ombre ? On peut faire croire qu’on en garde sous la pédale alors que l’on va exploser, ou vice-versa. Mais il y a aussi ceux qui font le Tour avec une clavicule cassée. Dans ce cas là, la simulation devient dissimulation et on peut avaler 4 cols et 200 kilomètres et finir frais comme un gardon, les dents immaculées comme le casier judiciaire, la bise et le sourire authentiques de la jolie jeune fille en sus.

Le comble serait donc de simuler l’absence de dissimulation. Les amateurs de catch apprécieront.

06 Juillet 2010

La tendre caresse de la torpeur estivale

In Chroniques on 12 janvier 2011 at 13:02

Au cœur de l’hiver, republier (dans le désordre) quelques chroniques du Tour de France, précédemment parues sur Mediapart, pour le réconfort.


« Je souhaite sauver de jeunes âmes. Après avoir lu mes livres, le lecteur ne devrait plus aller au bureau travailler, ni accepter l’ennui d’un parcours déjà tracé comme une ligne droite. » Albert Cossery

Il faut regarder ce Tour de France, 96e du nom, en ‘fainéant de la vallée fertile’, un livre de Cossery détournant la morsure du soleil alors que nous somnolons dans les hauts blés.

A chaque fois le même rituel. Après les pénibles pirouettes du village départ et  les pitreries de Gérard Holz -que j’imagine vaguement depuis le fond du jardin, je me rapproche du téléviseur bien décidé à voir le doux sort se reproduire. Il ne manque jamais de me cueillir. Je me laisse faire avec délices.

Un tiède courant m’emporte, il reste 150 kms à parcourir. Mes yeux se ferment. Irrésistiblement. La voix de JPO est bientôt remplacée par le chant des cigales. Je vogue sur les senteurs sucrées de l’été provençal.

Un merveilleux voyage au cœur de l’après-midi.

Un réveil timide me secoue gentiment mais systématiquement à dix kilomètres de l’arrivée. Dix kilomètres qui filent comme un rêve d’été.

 

18 Juillet 2009