Samuel Dixneuf

Archive for novembre 2010|Monthly archive page

The Ship Inn

In googlestreetprose on 22 novembre 2010 at 18:01

Banff, Aberdeenshire, Scotland

 

Il est assis, tu ne le vois pas. Il est pourtant là, crois-moi. Aujourd’hui il fait beau, horizon dégagé. Ça ne change rien. Derrière les murs épais, blanchis à la chaux, au Ship Inn, il est assis. Il est 14 heures. Le froid est vif. Il ne reste plus que deux heures de jour. Le sait-il ? Devant lui, une pinte d’un breuvage sombre et épais, comme embruns lourds d’une mer de tempête. A chaque goulée, interminable, le liquide emporte par le fond un oppressant mutisme. Il est assis, dans la pénombre molletonnée. Près du bar, une loupiote retient curieusement son attention; capitaine d’un navire en déroute, qui ne veut pas sombrer.

plaidoyer

In carnets on 20 novembre 2010 at 15:59

Tu apercevais d’abord son ombre, flageolante (ou était-ce son reflet ?). Elle lampait la pierre usée. Paresseuse, inéluctable, elle progressait, comme la vermine excitée par la chaleur. Tu entendais son pas ensuite, maladroit, lent, dégoûtant. Tu aurais voulu courir, les poumons brûlants, descendre le chemin, celui de l’étang, mais tu restais là, à observer ton vieux compagnon te prendre par la main, la nausée. Il apparaissait enfin, l’infâme, tête la première, cassé en deux, déséquilibre à lui tout seul. L’unique rue de ton village, sous poussières et entrailles ; volets clos sur jardins maléfiques. Assoupie, menaçante. Tu n’osais détailler son visage, il aurait pu être jeune. Pour te rassurer tu l’imaginais : abîmé, creusé, souillé. Il portait sur lui le poids invisible d’une faute qu’il n’avait pas commise, d’une faute qui le ravageait, qu’il lui brûlait d’embrasser. Il la dorlotait, il la chevauchait, monture exsangue, amante détestée, cinquième cavalier d’une apocalypse du rien. Après son passage, tu demeurais quelques temps, le regard vague, tremblant sous le soleil. Le vacarme t’assiégeait, les murs criaient, la vermine s’échappait des sols desséchés : COU-PABLE COU-PABLE COU-PABLE !

carver

In Nocturnes on 18 novembre 2010 at 03:05

Tu te souviens de Carver planté dans un Lavomatic tu l’as lu dans un livre tu ne sais plus Carver ou un autre avec ses gosses ses bouteilles son linge sale les tambours qui s’emballent les machines qui s’ébranlent un vacarme sinistre les gosses courent et crient il reste deux paniers de linge sale et trente minutes de Bourbon Carver pense à la Remington ou à l’Underwood tu ne sais plus il n’a plus que des bouts de papiers humides qu’il fixe avec colère encore une gorgée brûlante ses mains tremblent il écrit il n’a plus le temps de penser à quoi il écrit frénétique sauvage dans les cris et le bruit et le temps qui s’enfuit

no words/no thoughts

In soniques on 18 novembre 2010 at 02:35

Aasiaat

In carnets on 11 novembre 2010 at 20:43

Enfermé dans la voiture depuis un temps indéterminé, tu observes la buée gagner les vitres de l’habitacle. Une bulle opaque. Tu te recroquevilles. Tu te sens bien.

Passe un temps indéterminé.

Tu actives le système de ventilation. La surface embuée se réduit rapidement. Restent quelques îlots. Tu baisses l’intensité du système. Tu regardes les îlots se

fragmenter

s’éloigner

disparaître

Tu es venu dans un monde neuf. Il s’est hérissé de repères. De temps en temps, tu les fais disparaître.

Il faut savoir recommencer.