Samuel Dixneuf

Archive for décembre 2010|Monthly archive page

Sure ’nuff ‘n Yes I do

In soniques on 18 décembre 2010 at 01:16

O Captain! My Captain! our fearful trip is done…

Tuer

In carnets on 14 décembre 2010 at 04:14

Tu es cet enfant assis depuis neuf jours sans bouger contre la façade de crépi, le visage offert au ciel

Tu es cet SDF blotti sous le pont des Mariniers, à la recherche de son reflet

Tu es ce vieillard, tête basse devant un plat de lentilles qu’il a renoncé à dénombrer

Tu es cette voiture délaissée, au milieu d’un champ luxuriant

Tu es cette craie qui s’effrite sur le tableau noir, les enfants la suivent de leurs yeux avides

Tu es ce visage pâle devant l’écran phosphorescent qui flotte dans le temps suspendu

Lunettes

In invité(e)s, vasescommunicants on 3 décembre 2010 at 00:00

Vases communicants, cuvée numéro 2. J’ai le plaisir d’accueillir ce texte de Jérémie Szpirglas, à la narration joyeusement digressive.

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Sans les lunettes qui lui barrent — que dis-je lui barrent, lui masquent ! — le visage, elle serait sans doute assez commune : traits fins et réguliers, comme on dit dans les livres — on ne comprend réellement ce qui se cache sous ces « traits réguliers » que quand on se met à écrire et qu’on cherche désespérément un qualificatif mélioratif de substitution pour « quelconque », « pas déplaisante », « jolie mais sans plus ». C’est alors qu’on écrit « réguliers ».

Mais voilà, il y a ces lunettes — ce sont de grosses lunettes, verres hauts et larges, sertis d’une monture épaisse de couleur bordeaux plus ou moins translucide — pas facile, cet exercice balzacien de la description, que j’imagine (et je ne suis pas le seul) si courant dans le roman français du dix-neuvième siècle pour la simple raison qu’il permet un facile remplissage, dans une économie littéraire régie par la rémunération au volume, voire à la ligne — et ce masque surprenant rééquilibre paradoxalement son visage, le rend presque fascinant, magnétique — avec l’espoir exaltant de saisir un instant son regard rêveur et virevoltant, ses beaux yeux d’un vert pistache — allez, convoquons ici les nymphéas de Monet pour donner une idée plus (ou moins ?) concrète de ces yeux, bien dessinés au demeurant — exposés derrière cette vitrine qu’on hésite à qualifier de grotesque tant elle éclaire cette jeune fille d’inattendue beauté.

Car elle est jeune, et on ne peut s’empêcher de penser que l’accessoire vestimentaire que représentent ses bésicles est aussi pour elle un astucieux moyen d’apporter à sa mise une touche supplémentaire de sérieux et de maturité. Pari réussi — dans une certaine mesure : il tromperait un regard distrait, mais non pas le scrutateur attentif que j’essaie d’être ici — : les lunettes font oublier le sac de toile et les converses à la mode.

Ses lunettes sont un pendant parfait au col roulé à larges mailles dans lequel s’enfonce mollement son menton pour y tirer un semblant de tiédeur dans le froid glacial du matin. Elles donnent en outre du relief à cette face sinon plate, pour répondre aux volutes gracieuses de sa chevelure réunie en un chignon haut, au-dessus de la nuque — pareil pour le mot « chignon » : que de laideur en un son si court ! Aurais-je un jour imaginer écrire ces deux syllabes crêpées ? Elles se chargent pour moi d’un bouquet clairsemé de cheveux grisonnants et gras de vieilles filles ou de vieilles veuves encore apprêtées, encore entêtées, comme si la vie leur réservait encore quelque surprenant bonheur.

Mais c’est ainsi : c’est ici le mot juste et je n’ai d’autre choix que de le glisser dans ma phrase et dans ma prose, au cœur de ma description qui aussitôt prend un cachet d’un autre temps — comme ces polaroïds jaunis que l’on découvre parfois, vieux signet oublié entre les pages d’un livre de poche à l’odeur poussiéreuse de bibliothèque et de souvenirs, où nos lectures suivent celles de nos frères et cousines, parents et grands-parents — marque-page abandonné là qui, comme un cairn au bord du sentier, indique le lieu de la trop longue description qui leur a fait reposer, découragé, le volume, pour ne jamais plus le reprendre.

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Mon texte, sur Inacheve.net

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