« And all that mighty heart is lying still! »
W.Wordsworth, Composed upon Westminster Bridge, Sept. 3, 1802
tu es celui qui la traverse
sans la voir
celui qui la lacère en un hurlement métallique
tu es celui qui l’arpente, tel un désert, dans l’abîme de ses pensées
tu es celui qui l’imagine
autrement
celui qui bricole ses strates invisibles
celui qui voit le bâtiment disparu, le boulevard en chemin, la conversation volée sur un banc jadis solitaire
tu es celui qu’elle habite, obstinément
celui qui entend son murmure dans les champs infinis, celui qui mesure sa solitude à l’aune de son foisonnement
tu es celui immobile, assis, sur le sol, qui la regarde passer
celui qui récite John Donne, les jambes des femmes tels des compas la frappaient en cadence
tu es celui pour qui elle n’existe pas, celui qui, enfermé dans sa petite pièce, a oublié son existence
tu es celui qui creuse sillon, inlassable : trois pas tout droit, deux pas à gauche, un pas à droite,
recommencer
tu es celui qui parle à arbre, animal, étang
celui qui regarde passer homme dans l’indifférence
tu es celui qui l’observe dans le reflet d’une flaque
enfin fragile, elle te sourit
tu es celui qui l’écoute dormir
celui qui la veille tendrement
celui qui la caresse, à l’aube
tu es celui qui se laisse aller dans sa torpeur, journée brûlante
tu es celui qui chante la ville électrique
qui la parcourt en haut, en bas et en tout sens
celui qui rêve à son corps impossible
—
D’autres textes sur la ville dans la Revue D’ici là 8.